Gélules connectées, capteurs, casques permettant la stimulation transcrânienne… Les équipes pro, en quête d’un avantage concurrentiel, se dotent des dernières technologies.
L’un a mis 196 jours pour parcourir 127 millions de kilomètres dans l’espace; plus terre à terre, les autres vont mettre trois semaines pour couvrir 3.540 kilomètres sur les routes. Mais Thomas Pesquet et certains coureurs cyclistes du Tour de France ont un point commun : les capsules e-Celsius, mises au point par la PME caennaise BodyCap. Ces gélules connectées, miniaturisées, sont ingérées par une partie du peloton, dont certains coureurs de l’équipe française de la FDJ (Thibault Pinot, Arnaud Démare). « On s’en sert en course et lors des entraînements. Cela permet de connaître la température centrale du corps afin de mesurer précisément les réactions des coureurs à la chaleur et les phénomènes de surchauffe ou de déshydratation », explique Frédéric Grappe, responsable de la performance à la FDJ.

Est-ce la nouvelle innovation technologique qui va s’imposer dans le cyclisme professionnel, à l’instar de l’oreillette introduite par Motorola (alors sponsor d’équipe) dès 1992 pour mettre en contact coureurs et directeur sportif, et qui s’est ensuite démocratisée dans le peloton ? Ces gélules font, en tout cas, partie des pistes testées par les équipes pro. Car si le Tour de France est avant tout une épreuve d’endurance, le cyclisme est aussi une course à la technologie – et le vélo l’un des sports les plus connectés qui soient. Depuis des années, les capteurs en tout genre sont le fer de lance de l’arsenal technologique des équipes pour optimiser les performances de leurs coureurs.
« Nous disposons de trois outils principaux : les capteurs cardiaques, que portent les cyclistes, ainsi que les capteurs de puissance et les compteurs GPS qui sont, eux, installés sur le vélo », détaille Jean-Baptiste Quiclet, directeur de la performance et entraîneur chez AG2R La Mondiale (Romain Bardet). Vitesse moyenne, fréquence cardiaque, altimétrie : toutes les données recueillies sont transférées vers des plates-formes en ligne, ce qui permet aux entraîneurs de suivre leur coureur à distance.
Comme la Formule 1
Une fois centralisée, cette data permet d’analyser la puissance développée (en watts) par les athlètes ainsi que les réponses biomécanique et physique de leur organisme à ces efforts. L’une des grandes innovations à venir, sur ce plan-là : l’utilisation de ces données en pleine course, via la télémétrie, à l’instar d’une compétition comme la… Formule 1. Ce qui permettra au staff technique d’appréhender, en direct, l’état physique des coureurs de son équipe et d’adapter la stratégie de course en fonction. Seul problème jusqu’alors : la perte de données, en raison des zones blanches traversées par les coureurs, notamment dans les grands cols pyrénéens ou alpins, où 4G et 3G viennent à manquer. Mais une solution serait en vue dans certaines équipes, qui planchent sur des fréquences télécoms libres pour mettre au point des réseaux internes. Si cette technologie peut se répandre prochainement dans le peloton, d’autres n’ont pas franchi la porte d’entrée et ne devraient pas trouver la clef à moyen terme. C’est le cas du cuissard connecté de la start-up lyonnaise Cityzen Sciences, qui avait fait le buzz il y a deux ans, mais n’a finalement pas été adopté. Même constat pour les lunettes connectées de Recon Instruments, qui n’ont pas convaincu le peloton.
Mais d’autres solutions technologiques sont à l’essai. Pour la Grande Boucle, le coureur américain Andrew Talansky s’est préparé avec le casque Halo Sport, élaboré par la start-up californienne Halo Neuroscience, qui a récolté, en tout, 10,65 millions de dollars lors de levées de fonds auprès d’investisseurs prestigieux de la Silicon Valley (Andreessen Horowitz, SoftTech VC). Doté d’électrodes, cet appareil, semblable à un casque audio, produit des impulsions électriques de faible intensité dans la partie cortex moteur du cerveau qui gère les capacités physiques. Une fois stimulés, les neurones transmettent ensuite des signaux amplifiés vers les muscles, ce qui permettrait d’augmenter leurs performances. Déjà qualifiée de « brain doping » par certains, la stimulation transcrânienne ne fait pas l’unanimité dans le peloton. La tech n’a pas dit son dernier mot dans le cyclisme.
https://www.lesechos.fr/2017/07/le-tour-de-france-cette-course-a-linnovation-technologique-174617